Archives mensuelles : octobre 2017

+ Impact environnemental des avions – le blocage de la France

FNE et Transport et Environment les deux  importantes associations environnementales et l’UECNA,  seule association de protection des riverains d’aéroports au niveau européen, ont saisi Madame Elisabeth Borne, Ministre des Transports.

La France bloque une politique environnementale innovative et essentielle de la Commission Européenne. Cette dernière a le projet d’élargir les pouvoirs de l’Agence Européenne pour la Sécurité Aérienne (« EASA ») pour lui permettre d’adopter des standards de certification des aéronefs prenant mieux en compte les impacts environnementaux que ceux minimalistes de l’OACI (Organisation de l’Aviation Civile Internationale)… L’influence des constructeurs d’avions (Airbus) se fait sentir !

Ci-dessous le texte du courrier qui peut également être téléchargé ici : Courrier à la Ministre des Transports

 

Madame Elisabeth Borne
Ministre des Transports
246 Boulevard Saint-Germain
75007 Paris

Paris, le 23 octobre 2017

Demande d’entretien – Règlement de base de l’Agence Européenne pour la Sécurité Aérienne

Madame la Ministre,

La version définitive du règlement de base (« Basic Regulations ») régissant l’Agence Européenne pour la  Sécurité Aérienne (« EASA ») est en cours de discussion en trilogue. Les projets d’Articles 9 et 18, relatifs aux dispositions environnementales, ont été largement amendés par le Conseil de l’Europe en décembre dernier (voir ci-joint en annexe la version rédigée en anglais). Ces amendements ont pour effet de soumettre entièrement la réglementation européenne à celle de l’OACI pour ce qui concerne notamment les avions à réaction commerciaux « de ligne ».

Cette soumission maintien l’Union Européenne dans une position de faiblesse inacceptable dans les négociations au sein de l’OACI alors que la Commission Européenne proposait de renforcer la responsabilité de l’EASA quant aux impacts environnementaux de l’aviation, tant localement (bruit et pollution atmosphérique) que plus globalement pour ce qui est des impacts sur le climat. Cette proposition de la Commission Européenne constitue une avancée considérable en matière environnementale, elle ne doit pas être balayée aussi radicalement.

Nous vous demandons de bien vouloir revoir votre position sur le texte de ces articles 9 et 18 de la réglementation de base de l’EASA et de revenir à la rédaction proposée par la Commission et le Parlement Européen. Nous souhaiterions vous rencontrer pour vous présenter nos arguments à votre meilleure convenance. Le sujet est très urgent car les négociations sont dans leur phase finale.

Priver l’EASA de son rôle élargi aurait pour effet de priver l’Europe de la flexibilité nécessaire, le cas échéant, pour améliorer les  normes environnementales convenues au sein de l’OACI. L’EASA dispose de cette flexibilité pour ce qui concerne les normes relatives à la sécurité et la sûreté des aéronefs. Pourquoi la lui refuser pour les questions environnementales ?

Aucun autre État membre de l’OACI ne s’impose de telles restrictions, ils appliquent leur souveraineté dès lors que cela devient nécessaire. Au contraire, l’Europe se met dans une position désavantageuse lors des négociations au sein d’OACI. Les autres États savent qu’elle n’a pas d’autre alternative que faire un « copier/coller » des normes OACI sans la possibilité de dévier ou de refuser.

Les amendements du Conseil de l’Europe font échapper les plus gros aéronefs (plus de 8.000kg) aux normes environnementales spécifiques de l’EASA (tous les « avions de ligne ») alors que pour les plus petits l’EASA aura cette faculté de dévier des normes de l’OACI. Quelle est la justification de la différence de traitement ? Sinon que les avions construits par Airbus y échapperont… L’influence du constructeur sur la rédaction semble déterminante.

La plus récente version du texte proposée par la France prévoit que les standards de l’OACI doivent s’appliquer, l’EASA ayant une plus grande liberté lorsqu’aucun standard n’a été adopté par l’OACI. Un tel « compromis » n’en est pas véritablement un : (i) d’une part parce que l’OACI a publié des standards pour pratiquement toutes les situations et (ii) d’autre part, si l’OACI tardait à publier des standards concernant de nouveaux aéronefs pour lesquels l’EASA serait plus rapide, l’Europe devrait par la suite s’aligner dès leur adoption par l’OACI.

La flexibilité, la faculté d’aller au-delà de la norme OACI, est essentielle sur certains aspects. Quelques exemples :

  • Le bruit dans l’environnement est la deuxième menace sanitaire environnementale après la pollution atmosphérique. Le bruit des avions a des effets reconnus sur la santé et est notamment un facteur de risque important d’accidents cardiovasculaires et d’infarctus. Faut-il laisser aux USA le droit d’adopter la semaine dernière des normes sur le bruit plus strictes[1] que celles du Chapitre 14 des standards OACI de 2014 et priver l’Union Européenne de telles opportunités ?
  • Le droit européen impose aux autres modes de transport (navires, véhicules routiers) d’être parfaitement transparents sur les émissions de CO2 et l’efficacité des mesures de réduction prises. De telles mesures entrant dans le cadre de la politique climatique doivent pouvoir également être appliquées au transport aérien.
  • Un nouveau jet supersonique américain est en cours de développement. Il est tout à fait envisageable que les USA obtiennent des standards peu protecteurs pour le décollage et le bang sonique. L’EASA pourrait n’avoir aucune flexibilité pour refuser la certification de cet avion. Il est donc nécessaire de donner la faculté à l’EASA « d’aller au-delà » des normes OACI.

La France qui défend avec fierté la politique sur le climat et l’accord de Paris ne peut pas laisser l’Europe se doter de règles moins vertueuses pour l’environnement que les USA pour ce qui concerne le transport aérien ! Il est urgent d’agir, un accord sur le texte définitif doit intervenir très prochainement et la France joue un rôle majeur sur ce sujet au sein du Conseil de l’Europe.

Nous espérons que la position de la France sera à la hauteur des attentes des français et de l’ensemble des citoyens européens en matière environnementale. Le bruit et la pollution atmosphérique sont, autant que le dérèglement climatique, des domaines où la politique doit être sans faute, il en va de l’avenir des générations futures.

Dans l’attente d’une proposition de rendez-vous, nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre haute considération.

 

Pour T&E
William Todts,
Executive Director
Pour FNE
Michel Dubromel
Président
Pour UECNA
Dominique Lazarski
Présidente

[1] Les Etats-Unis sont allés au-delà des normes de l’ICAO en empêchant les avions bruyants modifiées pour se conformer à chapitre 14 à revenir à leur état d’origine – par exemple afin d’assurer un meilleur prix de vente.

Copie à :
Monsieur Emmanuel Macron, Président de la République
Monsieur Edouard Philippe, Premier Ministre
Monsieur Nicolas Hulot, Ministre de la Transition Ecologique et Solidaire
Monsieur Sébastien Lecornu, Secrétaire d’Etat auprès du Ministre de la Transition Ecologique et Solidaire

 

 

Annexe

EASA Proposal COM (2015) 613 final


Commission Article 9
Parliament Council T&E analysis
Aircraft referred to in Article 2(1)(a) and (b) and their engines, propellers, parts and non-installed equipment shall comply with the essential requirements for airworthiness set out in Annex II and, as regards noise and emissions, the essential requirements for the environmental compatibility of products set out in Annex III. Manned aircraft referred to in Article 2(1)(a) and (b) and their engines, propellers, parts and non-installed equipment shall comply with the essential requirements for airworthiness set out in Annex II and, as regards noise and emissions, the essential requirements for the environmental compatibility of products set out in Annex III, as well as the environmental protection requirements contained in Annex 16 to the Chicago Convention as applicable, with the exception of the Appendices to that annex. Aircraft referred to in Article 2(1) (a) and (b) and their engines, propellers, parts and non-installed equipment shall comply with the essential requirements for airworthiness set out in Annex II […].

 

1.   As regards noise and emissions, those aircraft and their engines, propellers, parts and non-installed equipment shall comply with the environmental protection requirements contained in the provisions of Amendment 11-B of Volume I, Amendment 8 of Volume II, as applicable on 1 January 2015, and in the initial issue of Volume III of Annex 16 to the Chicago Convention, as applicable on […][1] except for:

(a) aircraft, and their associated engines, parts and non-installed equipment for propeller-driven aeroplanes with a maximum take-off mass below 8 618 kg, subsonic jet aeroplanes with a maximum take-off mass below 5 700 kg and rotorcraft with a maximum take-off mass of below 3 175 kg;

(b) aircraft, and their associated engines, parts and non-installed equipment capable of sustaining level flight at speeds exceeding flight Mach number of 1 or intended for propulsion at supersonic speeds;

 

       The products, parts and non-installed equipment referred to in points (a) and (b) shall comply with the essential requirements for environmental compatibility set out in Annex III. Those essential requirements shall also apply to products, parts and non-installed equipment to the extent that the provisions of the Chicago Convention referred to in the first subparagraph do not contain environmental protection requirements.

                Organisations involved in the design, production and maintenance of products referred to in points (a) and (b) of Article 2(1) shall comply with point 8 of Annex III.

[1]           The references to respective Volumes of Annex 16 will need to be updated at a later stage of the legislative process, to take into account the ongoing developments in ICAO.

The European Parliament’s position references ICAO environmental standards, which must be the basis of European standards, but does not limit the ability to go beyond them.

 

The references underlined by T&E are the existing ICAO environmental standards. As there is no reference to Annex III of the EASA basic regulation, this means that Europe can implement ICAO environmental standards but do no more.

 

This means Annex III of the basic regulation will apply to only the smallest aircraft. For example the Airbus A320 has a maximum take-off mass of 83,000 kg.

 

 

 

This applies Annex III basic regulation to supersonic aircraft, but as the next paragraph indicates, this is only so long as ICAO has not regulated them.

 

Recommendation: accept EP compromise

Commission Article 18

 

Parliament Council T&E analysis
1. For the aircraft referred to in Article 2(1)(a) and (b) and their engines, propellers, parts and non-installed equipment, the Commission shall be empowered to adopt delegated acts in accordance with Article 117 to lay down detailed rules with regard to: 1.       As regards the environmental compatibility of […] aircraft referred to in Article 2(1)(a) and (b) and their engines, propellers, parts and non-installed equipment, the Commission […] is empowered, […] by means of delegated acts adopted in accordance with Article 117, to […] amend the references to the provisions of the Chicago Convention refered to in Article 9(2), in order to update them in light of subsequent amendmends to those provisions which enter into force after the date of adoption of this Regulation and which become applicable in all Member States, in so far as such adaptations do not broaden the scope of this Regulation.

 

[…]

(Article is covered by

conditions specified in Articles 13b, 14a,

16a – Implementing measures)

This Council amendment would remove the ability of the Commission to use delegated acts to establish appropriate environmental standards in Europe.

 

Recommendation: revert to original Commission position.

+ ROSO – journée annuelle à Ormoy-Villers

Le 14 octobre fut une belle journée d’automne avec au programme une promenade pour découvrir un site emblématique du Bois du Roy, une démonstration du jeu de la concertation développé par le ROSO et des exposés sur la biodiversité et l’environnement. A renouveler l’année prochaine !

+ La France freine la politique environnementale de l’aviation européenne

Dans un communiqué publié hier, l’UECNA dénonce le blocage exercé par la France sur l’évolution des standards européens vers des avions plus vertueux au plan environnemental.

Le communiqué retranscrit ci-dessous est également disponible ici : COMMUNIQUE UECNA 11/10/2017

BANNER UECNA MEN STARS sans le détail du nom

La construction des avions et leurs performances environnementales sont réglementées par la convention de Chicago de 1944 qui a instauré l’OACI. 

De leur côté, les pays membres de l’Union Européenne ont chacun renoncé à leur pouvoir individuel pour confier à une agence créée par et dépendant de la commission européenne : l’EASA. Celle-ci certifie tous les avions susceptibles d’entrer dans le ciel Européen. 

Le hic est que les statuts de l’EASA stipulent qu’elle est soumise à la convention de Chicago et donc qu’elle n’a aucune marge de manœuvre pour être plus stricte sur certains aspects, notamment environnementaux. 

L’OACI est une instance contrôlée par les USA, Boeing et Airbus. L’Europe n’a aucun pouvoir notamment parce que tout le monde sait que les statuts de l’EASA la lient aux décisions de l’OACI. Or l’OACI n’adopte que des règles minimales, les moins contraignantes possible pour les constructeurs et compagnies aériennes. 

Nous sommes dans une période charnière où l’avenir de l’aviation européenne et son rapport à l’environnement pourraient être plus vertueux. Les statuts de l’EASA sont en cours de révision. Les discussions sont en cours et une décision doit intervenir dans les semaines qui viennent. 

L’EASA pense qu’elle doit évoluer pour avoir dans ses statuts la protection des citoyens européens et souhaite pouvoir aller au-delà des règles de l’OACI. La commission européenne et la plupart des états membres s’accordent sur cette évolution. Les seuls à s’y opposer sont le Royaume Uni, l’Allemagne et surtout la France, leader de l’opposition. Ils sont fortement influencés par Airbus qui fait un lobbying d’enfer . Il est évident qu’Airbus et Boeing ne veulent pas de règles plus contraignantes en Europe. 

Qui fait la loi? Faut-il se soumettre à deux entreprises fussent elles aussi importantes? 

Les nouveaux statuts de l’EASA pourraient avoir un effet pour la planète et pour les riverains d’aéroport. Un vice-président de Bombardier déplorait lors du sommet des 3 et 4 octobre 2017 de ATAG (Air Transport Action Group) sur l’aviation durable que les compagnies aériennes ne sont pas prêtes à payer plus cher un avion seulement pour être moins bruyant ou moins polluant, que le frein au développement était donc le coût des améliorations. Si l’industrie ne veut faire les efforts nécessaires, il faut donc les y contraindre. 

Tous les transports terrestres font des efforts pour moins polluer, l’aviation serait-elle la seule à y échapper? Pas de taxes sur le carburant, pas de TVA sur les billets internationaux et un taux très réduit en France sur les billets nationaux, certains états n’appliquent aucune TVA, des subventions diverses (voir le rapport de la cour des comptes concernant l’aéroport de Beauvais qui conclut que Ryanair aurait indirectement bénéficié de subventions s’élevant à 78 millions d’euros entre 2008 et 2014). 

Est-il normal qu’un billet de train soit beaucoup plus cher qu’un billet d’avion alors qu’un voyage en train a un impact bien moindre en termes de pollution et de gaz à effet de serre ?

Il faut rendre publique la position de la France et montrer qu’elle tient un double langage en matière environnementale. Comment défendre avec autant de conviction l’accord sur le climat, imposer aux transports terrestres des règles strictes en matière de pollution notamment dans les PPA – plans de protection de l’atmosphère et tenter de faire des efforts dans les PPBE – plans de prévention du bruit dans l’environnement , et ne rien faire en ce qui concerne l’aviation. D’autant que la durée de vie des avions est très longue (30 à 40 ans) leur renouvellement prend du temps. Le trafic aérien doit doubler entre 2014 et 2035. Quand l’aviation civile fera-t-elle un effort pour les riverains et la planète? Il faut aujourd’hui adopter les règles pour un meilleur avenir. 

PS : Cette action est soutenue par Transport & Environment et France Nature Environnement

UECNA – Union Européenne Contre les Nuisances Aériennes – est une ONG européenne. Elle représente, indirectement, quelques 300.000 membres – et les 5 millions de riverains d’aéroports en Europe – devant les institutions européennes. L’UECNA lutte donc contre les nuisances sonores et la pollution atmosphérique responsables d’une grave détérioration de la santé des riverains d’aéroports, mais aussi contre les émissions de gaz à effet de serre.