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Pour télécharger le communiqué de presse : COMMUNIQUE DE PRESSE DU 11 MARS 2025
Santé, climat : trois associations attaquent l’aéroport de Beauvais en justice
Beauvais, 11 mars 2025
Les associations Notre Affaire à Tous, Sauvez le Beauvaisis, ADERA engagent aujourd’hui un recours auprès du tribunal administratif d’Amiens pour empêcher l’expansion du trafic aérien à l’aéroport de Beauvais, hub de la compagnie low-cost Ryanair. L’action en justice qu’elles lancent est la première, en France, à articuler les volets santé (nuisances sonores, pollution aux particules fines) et climat (émissions de gaz à effet de serre) pour exiger l’annulation d’un contrat de concession aéroportuaire.
Dix ans après la signature de l’Accord de Paris, le compte n’y est pas. L’État, qui s’est engagé à une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, ne parvient pas à tenir la trajectoire qu’il s’est fixée. Depuis la fin de la pandémie de Covid-19, la validation des projets d’extension d’aéroports régionaux (à Beauvais, Lille, Nice, Montpellier, etc.) et la croissance spectaculaire des compagnies low-cost (Ryanair, WizzAir, EasyJet, etc.)1 font apparaître une déconnexion croissante entre les ambitions climatiques nationales et le business as usual des politiques locales. Il est urgent de rompre aujourd’hui avec cette logique et d’exiger une plus grande cohérence dans l’action publique. Alors que les événements climatiques se multiplient tout autour de la planète (inondations à Valence, cyclone à Mayotte, mégafeux à Los Angeles), est-il vraiment acceptable de continuer à faire la promotion de vols à prix cassés pour aller faire les soldes à Barcelone le temps d’un week-end ?
Certains n’hésitent pas à répondre par l’affirmative. Le 17 juillet 2024, le Syndicat mixte de l’aéroport de Beauvais Tillé (SMABT), établissement public de coopération entre collectivités (agglomération du Beauvaisis, département de l’Oise et région Hauts-de-France), a ainsi confié à la société Bellova (consortium Bouygues-Egis) la gestion et l’exploitation de la plateforme aéroportuaire pour une durée de 30 ans. Négocié dans la plus grande opacité, le contrat de concession table sur une très forte hausse du trafic aérien : de 3,9 millions de passagers en 2019, celui-ci devrait atteindre 7,2 millions de passagers en 2030 (+85%), avant de se hisser à 9,4 millions de passagers au terme de la concession (+141%)2. Pour y satisfaire, les terminaux de l’aéroport devront être rénovés et agrandis.
“La croissance du trafic prévue pour l’aéroport de Beauvais excède nettement les objectifs visés par la France : la hausse de +85% du nombre de passagers d’ici à 2030 excède de 67 points le seuil défini par le projet de Stratégie Nationale Bas Carbone 3 (+18%) – lequel envisage une diminution très rapide des émissions au-delà de cette date3”, alertent les associations.
Cette croissance de l’activité bénéficiera très largement à Ryanair, entreprise entrée récemment dans le top 10 des plus gros émetteurs de gaz à effet de serre de l’Union européenne4. L’hostilité de la compagnie irlandaise à l’égard des réglementations sociales et environnementales est au moins aussi connue que sa capacité à faire pression sur les collectivités locales pour capter des subventions publiques5. Malgré tous leurs efforts pour susciter un véritable débat démocratique dans le Beauvaisis, et malgré un positionnement entendable (maintenir le trafic à l’état actuel), les associations locales se sont heurtées à un mur de mépris et d’indifférence. Dans les zones survolées, pourtant, les riverains sont toujours plus nombreux à se mobiliser, inquiets des effets néfastes pour leur santé d’un développement accéléré de l’aéroport.
La croissance du trafic aérien a, de fait, déjà entraîné une hausse significative des émissions de particules ultrafines. Les données récoltées par les stations de mesure à proximité directe de l’aéroport et publiées chaque trimestre par l’exploitant6 montrent que les concentrations de polluants dépassent fréquemment les seuils recommandés par l’Organisation Mondiale de la Santé7, et qu’elles font courir des risques sanitaires graves (cancers, maladies respiratoires) aux populations des zones survolées. Rappelons que la pollution de l’air est responsable de 48 000 décès chaque année en France, et qu’il est établi que l’impact des aéroports en la matière a été très longtemps sous-estimé 8.
Le plan de développement visé par le contrat exposerait également les riverains à une hausse significative des nuisances sonores et aux risques sanitaires associés (troubles du système auditif, mais aussi perturbations du sommeil, maladies cardiovasculaires, baisse des capacités d’apprentissage, etc.), alors même que – de nouveau – le bruit enregistré par les cinq stations d’écoute situées à proximité de l’aéroport excède déjà les seuils recommandés par l’Organisation Mondiale de la Santé9. En cas de hausse du trafic, l’intensification des vols de nuit observée depuis une dizaine d’années10 devrait se poursuivre, alors même que les effets nocifs de la pollution sonore sont accrus en période nocturne.
Alarmées par l’absence de réelle prise en compte de ces enjeux sanitaires et climatiques sur le territoire, ces associations locales s’allient aujourd’hui à Notre Affaire à Tous pour ouvrir un nouveau chapitre dans la mobilisation.
L’arrêt récent de la Cour européenne des droits de l’homme (30 janvier 2025) jugeant que l’État italien avait violé le droit des habitants de la province de Campanie à vivre dans un environnement sain, et, moins d’un mois plus tard, la décision historique du juge administratif (27 février 2025) d’annuler les travaux sur l’A69 ont confirmé la légitimité des mouvements citoyens mobilisés sur les territoires pour y défendre l’intérêt général.
Pour les associations requérantes : “L’extension de l’aéroport de Beauvais est bien plus qu’un problème local : c’est le révélateur d’un échec persistant dans la lutte contre le réchauffement climatique, et d’un déni des impacts délétères du transport aérien sur la santé des riverains d’aéroport. Tant que les collectivités continueront à soutenir des projets ultra-émetteurs en contradiction avec les engagements nationaux et internationaux, nous irons collectivement dans le mur. Mais ce n’est pas une fatalité. La hausse du trafic aérien peut être empêchée : d’autres avenirs sont possibles.”
Contacts :
Notre Affaire à Tous – Justine Ripoll, Responsable de campagnes : justine.ripoll@notreaffaireatous.org – 06 42 21 37 36.
Sauvez le Beauvaisis – Hélène Vivier, Secrétaire de l’association : sauvezlebeauvaisis@gmail.com – 06 17 14 54 31
ADERA – Dominique Lazarski, Présidente de l’association :
dlazarski.adera@gmail.com – 06 30 82 65 93
Notes :
1 “Émissions de l’aviation en 2023 : l’inquiétant rebond des compagnies low-cost”, étude publiée par Transport & Environnement, avril 2024
2 Rapport d’analyse des offres remis au SMABT en avril 2024.
3 Cf. les hypothèses de calcul pour le transport aérien international – et, plus largement, la feuille de route établie pour le secteur par le Ministère de l’écologie.
4 “‘Ryanair is the new coal’: airline enters EU’s top 10 emitters”, The Guardian, avril 2019
5 Deux rapports de la Cour des comptes régionale publiés en 2008 et en 2017 ont épinglé la mauvaise gestion de l’aéroport de Beauvais, pointant les largesses concédées à la compagnie irlandaise.
6 Les données de 2015 à 2024 sont disponibles au téléchargement sur le site de l’aéroport.
7 Déclinés dans la Directive (UE) 2024/2881 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2024 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe.
8 “Les particules ultrafines des avions font peser un risque sur la santé de 11 millions de Français”, étude publiée par Transport & Environnement, avril 2024
9 Déclinés dans la Directive du Parlement européen et du Conseil du 25 juin 2002 relative à l’évaluation et à la gestion du bruit dans l’environnement.
10 Ceux-ci ont augmenté de 118% entre 2015 et 2023, alors que le nombre de mouvements n’a augmenté que de 48% sur la même période.
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Health, climate: three associations take Beauvais airport to court
Beauvais, 11 March 2025
The associations Notre Affaire à Tous, Sauvez le Beauvaisis and ADERA are today taking legal action before the Administrative Court of Amiens to stop the expansion of air traffic at Beauvais airport, the hub of the low-cost airline Ryanair. The legal action they are launching is the first in France to combine health (noise pollution, fine-particle pollution) and climate (greenhouse gas emissions) issues to demand the cancellation of an airport management contract.
Ten years after the signing of the Paris Agreement, there is still a long way to go. The French government, which committed itself to a drastic reduction in greenhouse gas emissions by 2030, is failing to meet the targets it set itself. Since the end of the Covid-19 pandemic, the approval of plans to extend regional airports (in Beauvais, Lille, Nice, Montpellier, etc.) and the spectacular growth of low-cost airlines (Ryanair, WizzAir, EasyJet, etc.)[i] have revealed a growing disconnect between national climate ambitions and the business as usual of local policies. There is an urgent need to break with this logic and demand greater coherence in public action. At a time when climate events are multiplying all around the planet (floods in Valencia, cyclones in Mayotte, megafires in Los Angeles), is it really acceptable to still promote knock-down air fares to spend a week-end in Barcelona during the sales shopping period ?
Some are quick to say yes. On 17 July 2024, the Syndicat mixte de l’aéroport de Beauvais Tillé (SMABT), a public body made up of local authorities (the Beauvaisis conurbation, the Oise département and the Hauts-de-France region), awarded the management and operation of the airport hub to Bellova (a Bouygues-Egis consortium) for a period of 30 years. Negotiated with the utmost opacity, the concession contract is based on a very sharp rise in air traffic: from 3.9 million passengers in 2019, it should reach 7.2 million passengers in 2030 (+85%), before rising to 9.4 million passengers at the end of the concession (+141%)[ii]. To meet this demand, the airport’s terminals will have to be renovated and expanded.
‘The growth in traffic forecast for Beauvais airport clearly exceeds the targets set by France: the 85% increase in passenger numbers between now and 2030 exceeds by 67 points the threshold defined by the draft National Low Carbon Strategy 3 (+18%), which envisages a very rapid reduction in emissions beyond that date[iii]’, warn the associations.
This growth in activity will be of great benefit to Ryanair, which recently became one of the European Union’s top 10 greenhouse gas emitters[iv]. The Irish airline’s hostility to social and environmental regulations is at least as well-known as its ability to put pressure on local authorities to attract public subsidies[v]. Despite all their efforts to encourage a genuine democratic debate in the Beauvaisis area, and despite an understandable position (to maintain traffic as it is), the local associations have come up against a wall of contempt and indifference. In the areas overflown by the airport, however, local residents are mobilising in ever-greater numbers, concerned about the harmful effects on their health of the airport’s accelerated development.
The growth in air traffic has already led to a significant increase in ultrafine particle emissions. The data collected by the measuring stations in the direct vicinity of the airport and published quarterly by the operator[vi] show that pollutant concentrations frequently exceed the thresholds recommended by the World Health Organisation[vii], and that they pose serious health risks (cancers, respiratory diseases) to the populations of the areas overflown[viii]. It should be remembered that air pollution is responsible for 48,000 deaths every year in France, and that it has been established that the impact of airports on air quality is significant…and remained understated for a long time.
The development plan targeted by the contract would also expose local residents to a significant increase in noise pollution and the associated health risks (hearing problems, but also sleep disturbance, cardiovascular disease, reduced learning capacity, etc.), even though – once again – the noise recorded by the five monitoring stations located near the airport already exceeds the thresholds recommended by the World Health Organisation[ix]. If traffic increases, the intensification of night flights observed over the last ten years[x] is likely to continue, even though the harmful effects of noise pollution are greater at night.
Alarmed by the lack of any real consideration being given to these health and climate issues in the region, these local associations are today joining forces with Notre Affaire à Tous to open a new chapter in the campaign.
The recent ruling by the European Court of Human Rights (30 January 2025) that the Italian state had violated the right of the inhabitants of the province of Campania to live in a healthy environment, and, less than a month later, the historic decision by the administrative judge (27 February 2025) to cancel work on the A69, have confirmed the legitimacy of citizens’ movements mobilised in local areas to defend the general interest.
For the applicant associations: ‘The extension of Beauvais airport is much more than just a local problem: it is the revelation of a persistent failure in the fight against global warming, and a denial of the deleterious impact of air transport on the health of people living near airports. As long as local authorities continue to support high-emission projects that run counter to national and international commitments, we will all be heading for disaster. But it doesn’t have to be that way. The increase in air traffic can be prevented: other futures are possible.’
Contacts :
Notre Affaire à Tous – Justine Ripoll,
Campaign manager: justine.ripoll@notreaffaireatous.org – 06 42 21 37 36.
Sauvez le Beauvaisis – Hélène Vivier, Association Secretary:
sauvezlebeauvaisis@gmail.com – 06 17 14 54 31
ADERA – Dominique Lazarski, President of the association:
dlazarski.adera@gmail.com – 06 30 82 65 93
Notes :
[i] ‘Aviation emissions in 2023: the worrying rebound of low-cost airlines’, study published by Transport & Environnement, April 2024
[ii] Tender analysis report submitted to SMABT in April 2024.
[iii] See the calculation assumptions for international air transport – and, more broadly, the roadmap drawn up for the sector by the Ministry of of Ecology
[iv] ’Ryanair is the new coal‘: airline enters EU’s top 10 emitters’, The Guardian, April 2019
[v] Two reports by the regional Cour des Comptes published in 2008 and 2017 criticised the poor management of Beauvais airport, pointing to the largesse conceded to the Irish airline
[vi] Data from 2015 to 2024 are available to download from the airport’s website
[vii] Set out in Directive (EU) 2024/2881 of the European Parliament and of the Council of 23 October 2024 on ambient air quality and cleaner air for Europe
[viii] ‘Les particules ultrafines des avions font peser un risque sur la santé de 11 millions de Français’, study published by Transport & Environnement, April 2024
[ix] Set out in the Directive of the European Parliament and of the Council of 25 June 2002 relating to the assessment and management of environmental noise
[x] These have increased by 118% between 2015 and 2023, while the number of movements has only increased by 48% over the same period