+ Impact environnemental des avions – le blocage de la France

FNE et Transport et Environment les deux  importantes associations environnementales et l’UECNA,  seule association de protection des riverains d’aéroports au niveau européen, ont saisi Madame Elisabeth Borne, Ministre des Transports.

La France bloque une politique environnementale innovative et essentielle de la Commission Européenne. Cette dernière a le projet d’élargir les pouvoirs de l’Agence Européenne pour la Sécurité Aérienne (« EASA ») pour lui permettre d’adopter des standards de certification des aéronefs prenant mieux en compte les impacts environnementaux que ceux minimalistes de l’OACI (Organisation de l’Aviation Civile Internationale)… L’influence des constructeurs d’avions (Airbus) se fait sentir !

Ci-dessous le texte du courrier qui peut également être téléchargé ici : Courrier à la Ministre des Transports

 

Madame Elisabeth Borne
Ministre des Transports
246 Boulevard Saint-Germain
75007 Paris

Paris, le 23 octobre 2017

Demande d’entretien – Règlement de base de l’Agence Européenne pour la Sécurité Aérienne

Madame la Ministre,

La version définitive du règlement de base (« Basic Regulations ») régissant l’Agence Européenne pour la  Sécurité Aérienne (« EASA ») est en cours de discussion en trilogue. Les projets d’Articles 9 et 18, relatifs aux dispositions environnementales, ont été largement amendés par le Conseil de l’Europe en décembre dernier (voir ci-joint en annexe la version rédigée en anglais). Ces amendements ont pour effet de soumettre entièrement la réglementation européenne à celle de l’OACI pour ce qui concerne notamment les avions à réaction commerciaux « de ligne ».

Cette soumission maintien l’Union Européenne dans une position de faiblesse inacceptable dans les négociations au sein de l’OACI alors que la Commission Européenne proposait de renforcer la responsabilité de l’EASA quant aux impacts environnementaux de l’aviation, tant localement (bruit et pollution atmosphérique) que plus globalement pour ce qui est des impacts sur le climat. Cette proposition de la Commission Européenne constitue une avancée considérable en matière environnementale, elle ne doit pas être balayée aussi radicalement.

Nous vous demandons de bien vouloir revoir votre position sur le texte de ces articles 9 et 18 de la réglementation de base de l’EASA et de revenir à la rédaction proposée par la Commission et le Parlement Européen. Nous souhaiterions vous rencontrer pour vous présenter nos arguments à votre meilleure convenance. Le sujet est très urgent car les négociations sont dans leur phase finale.

Priver l’EASA de son rôle élargi aurait pour effet de priver l’Europe de la flexibilité nécessaire, le cas échéant, pour améliorer les  normes environnementales convenues au sein de l’OACI. L’EASA dispose de cette flexibilité pour ce qui concerne les normes relatives à la sécurité et la sûreté des aéronefs. Pourquoi la lui refuser pour les questions environnementales ?

Aucun autre État membre de l’OACI ne s’impose de telles restrictions, ils appliquent leur souveraineté dès lors que cela devient nécessaire. Au contraire, l’Europe se met dans une position désavantageuse lors des négociations au sein d’OACI. Les autres États savent qu’elle n’a pas d’autre alternative que faire un « copier/coller » des normes OACI sans la possibilité de dévier ou de refuser.

Les amendements du Conseil de l’Europe font échapper les plus gros aéronefs (plus de 8.000kg) aux normes environnementales spécifiques de l’EASA (tous les « avions de ligne ») alors que pour les plus petits l’EASA aura cette faculté de dévier des normes de l’OACI. Quelle est la justification de la différence de traitement ? Sinon que les avions construits par Airbus y échapperont… L’influence du constructeur sur la rédaction semble déterminante.

La plus récente version du texte proposée par la France prévoit que les standards de l’OACI doivent s’appliquer, l’EASA ayant une plus grande liberté lorsqu’aucun standard n’a été adopté par l’OACI. Un tel « compromis » n’en est pas véritablement un : (i) d’une part parce que l’OACI a publié des standards pour pratiquement toutes les situations et (ii) d’autre part, si l’OACI tardait à publier des standards concernant de nouveaux aéronefs pour lesquels l’EASA serait plus rapide, l’Europe devrait par la suite s’aligner dès leur adoption par l’OACI.

La flexibilité, la faculté d’aller au-delà de la norme OACI, est essentielle sur certains aspects. Quelques exemples :

  • Le bruit dans l’environnement est la deuxième menace sanitaire environnementale après la pollution atmosphérique. Le bruit des avions a des effets reconnus sur la santé et est notamment un facteur de risque important d’accidents cardiovasculaires et d’infarctus. Faut-il laisser aux USA le droit d’adopter la semaine dernière des normes sur le bruit plus strictes[1] que celles du Chapitre 14 des standards OACI de 2014 et priver l’Union Européenne de telles opportunités ?
  • Le droit européen impose aux autres modes de transport (navires, véhicules routiers) d’être parfaitement transparents sur les émissions de CO2 et l’efficacité des mesures de réduction prises. De telles mesures entrant dans le cadre de la politique climatique doivent pouvoir également être appliquées au transport aérien.
  • Un nouveau jet supersonique américain est en cours de développement. Il est tout à fait envisageable que les USA obtiennent des standards peu protecteurs pour le décollage et le bang sonique. L’EASA pourrait n’avoir aucune flexibilité pour refuser la certification de cet avion. Il est donc nécessaire de donner la faculté à l’EASA « d’aller au-delà » des normes OACI.

La France qui défend avec fierté la politique sur le climat et l’accord de Paris ne peut pas laisser l’Europe se doter de règles moins vertueuses pour l’environnement que les USA pour ce qui concerne le transport aérien ! Il est urgent d’agir, un accord sur le texte définitif doit intervenir très prochainement et la France joue un rôle majeur sur ce sujet au sein du Conseil de l’Europe.

Nous espérons que la position de la France sera à la hauteur des attentes des français et de l’ensemble des citoyens européens en matière environnementale. Le bruit et la pollution atmosphérique sont, autant que le dérèglement climatique, des domaines où la politique doit être sans faute, il en va de l’avenir des générations futures.

Dans l’attente d’une proposition de rendez-vous, nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre haute considération.

 

Pour T&E
William Todts,
Executive Director
Pour FNE
Michel Dubromel
Président
Pour UECNA
Dominique Lazarski
Présidente

[1] Les Etats-Unis sont allés au-delà des normes de l’ICAO en empêchant les avions bruyants modifiées pour se conformer à chapitre 14 à revenir à leur état d’origine – par exemple afin d’assurer un meilleur prix de vente.

Copie à :
Monsieur Emmanuel Macron, Président de la République
Monsieur Edouard Philippe, Premier Ministre
Monsieur Nicolas Hulot, Ministre de la Transition Ecologique et Solidaire
Monsieur Sébastien Lecornu, Secrétaire d’Etat auprès du Ministre de la Transition Ecologique et Solidaire

 

 

Annexe

EASA Proposal COM (2015) 613 final


Commission Article 9
Parliament Council T&E analysis
Aircraft referred to in Article 2(1)(a) and (b) and their engines, propellers, parts and non-installed equipment shall comply with the essential requirements for airworthiness set out in Annex II and, as regards noise and emissions, the essential requirements for the environmental compatibility of products set out in Annex III. Manned aircraft referred to in Article 2(1)(a) and (b) and their engines, propellers, parts and non-installed equipment shall comply with the essential requirements for airworthiness set out in Annex II and, as regards noise and emissions, the essential requirements for the environmental compatibility of products set out in Annex III, as well as the environmental protection requirements contained in Annex 16 to the Chicago Convention as applicable, with the exception of the Appendices to that annex. Aircraft referred to in Article 2(1) (a) and (b) and their engines, propellers, parts and non-installed equipment shall comply with the essential requirements for airworthiness set out in Annex II […].

 

1.   As regards noise and emissions, those aircraft and their engines, propellers, parts and non-installed equipment shall comply with the environmental protection requirements contained in the provisions of Amendment 11-B of Volume I, Amendment 8 of Volume II, as applicable on 1 January 2015, and in the initial issue of Volume III of Annex 16 to the Chicago Convention, as applicable on […][1] except for:

(a) aircraft, and their associated engines, parts and non-installed equipment for propeller-driven aeroplanes with a maximum take-off mass below 8 618 kg, subsonic jet aeroplanes with a maximum take-off mass below 5 700 kg and rotorcraft with a maximum take-off mass of below 3 175 kg;

(b) aircraft, and their associated engines, parts and non-installed equipment capable of sustaining level flight at speeds exceeding flight Mach number of 1 or intended for propulsion at supersonic speeds;

 

       The products, parts and non-installed equipment referred to in points (a) and (b) shall comply with the essential requirements for environmental compatibility set out in Annex III. Those essential requirements shall also apply to products, parts and non-installed equipment to the extent that the provisions of the Chicago Convention referred to in the first subparagraph do not contain environmental protection requirements.

                Organisations involved in the design, production and maintenance of products referred to in points (a) and (b) of Article 2(1) shall comply with point 8 of Annex III.

[1]           The references to respective Volumes of Annex 16 will need to be updated at a later stage of the legislative process, to take into account the ongoing developments in ICAO.

The European Parliament’s position references ICAO environmental standards, which must be the basis of European standards, but does not limit the ability to go beyond them.

 

The references underlined by T&E are the existing ICAO environmental standards. As there is no reference to Annex III of the EASA basic regulation, this means that Europe can implement ICAO environmental standards but do no more.

 

This means Annex III of the basic regulation will apply to only the smallest aircraft. For example the Airbus A320 has a maximum take-off mass of 83,000 kg.

 

 

 

This applies Annex III basic regulation to supersonic aircraft, but as the next paragraph indicates, this is only so long as ICAO has not regulated them.

 

Recommendation: accept EP compromise

Commission Article 18

 

Parliament Council T&E analysis
1. For the aircraft referred to in Article 2(1)(a) and (b) and their engines, propellers, parts and non-installed equipment, the Commission shall be empowered to adopt delegated acts in accordance with Article 117 to lay down detailed rules with regard to: 1.       As regards the environmental compatibility of […] aircraft referred to in Article 2(1)(a) and (b) and their engines, propellers, parts and non-installed equipment, the Commission […] is empowered, […] by means of delegated acts adopted in accordance with Article 117, to […] amend the references to the provisions of the Chicago Convention refered to in Article 9(2), in order to update them in light of subsequent amendmends to those provisions which enter into force after the date of adoption of this Regulation and which become applicable in all Member States, in so far as such adaptations do not broaden the scope of this Regulation.

 

[…]

(Article is covered by

conditions specified in Articles 13b, 14a,

16a – Implementing measures)

This Council amendment would remove the ability of the Commission to use delegated acts to establish appropriate environmental standards in Europe.

 

Recommendation: revert to original Commission position.