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2019 10 31 ADERA CONTRIBUTION A LA CONSULTATION PUBLIQUE
Contre le projet d’arrêté modifiant le couvre-feu applicable à l’aéroport de Beauvais-Tillé
Conclusions
l’ADERA et les riverains qu’elle représente, s’opposent au projet d’arrêté modifiant le couvre-feu instauré par un arrêté ministériel de 2002. Les conséquences de la modification du couvre-feu qui est projetée dans l’unique but de permettre à Ryanair d’établir une base à l’aéroport de Beauvais-Tillé et d’accroître l’activité de l’aéroport de façon non maîtrisée, sans étude de l’impact environnemental et dont l’impact économique rapidement brossé par la SAGEB et le Préfet manque terriblement de précision, bouleverseront le cadre de vie et affecteront la santé des riverains de l’aéroport. Ce projet est contraire aux principes de droit français énoncés ci-dessous et ne produira pas les effets économiques escomptés, il doit être abandonné.
1. Une régression environnementale et une défaillance des élus et du gouvernement à protéger les riverains de l’aéroport
L’article L.110-2 du Code de l’environnement, tiré de la Charte de l’Environnement, établi le droit de chacun à un environnement sain et l’obligation de chacun, y compris les personnes publiques, et donc nos élus et nos ministres des transports et de l’environnement, de contribuer à la protection de l’environnement, y compris nocturne.
En signant un arrêté qui
- permettra à des avions d’atterrir, la nuit, dans des conditions indéterminées, dépendant de la seule volonté de l’administration et sur la base de ses seuls critères qui n’ont pas été exposés, mais surtout
- un arrêté dont le seul but est de permettre à Ryanair de baser des avions à l’aéroport de Beauvais et
- d’accroitre l’activité de Ryanair à l’aéroport de 150% dans les 4 ans à venir, et probablement plus encore dans les années qui suivront
- et notamment entraînera un accroissement considérable de l’activité de nuit dans la tranche de 22h à 23h59 et dans la tranche 5h-8h dès que les transports terrestres pour l’acheminement des passagers le permettront,
la Ministre de l’Environnement et le Secrétaire d’Etat aux Transports ne contribueraient pas à la protection de l’environnement. Ils seraient responsables, comme les élus de la communauté d’agglomération du Beauvaisis, du département de l’Oise et de la Région des Hauts-de-France, de la pollution sonore accrue pour les riverains de l’aéroport et de la détérioration de la qualité de l’air dans le Beauvaisis.
En outre, ils ne mettraient pas en œuvre tous les moyens requis du gouvernement français pour parvenir aux objectifs définis par l’Accord de Paris sur le Climat et qui semblent être dans toutes les paroles mais beaucoup moins dans les actes.
Enfin, ce faisant, la Ministre de l’Environnement et le Secrétaire d’Etat aux Transports enfreindraient le principe de non régression environnementale imposé par l’article L.110-1-9° du Code de l’Environnement :
« selon lequel la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. »
Le projet d’arrêté proposé dans le cadre de la consultation publique, même modifié pour intégrer les propositions de l’ACNUSA (Autorité de Contrôle des Nuisances Aéroportuaires), ne pourrait qu’aggraver la situation des riverains de l’aéroport de Beauvais-Tillé. La mesure va également à rebours de l’évolution sur les autres plateformes aéroportuaires où la tendance est plutôt à limiter les vols de nuit. A Beauvais, la nuit ne durera que 5 heures, et encore, seulement les nuits où il n’y aura pas de dérogations accordées à Ryanair. C’est un peu court, les riverains veulent eux aussi vivre dans un environnement leur permettant de rester en bonne santé. Cela ne sera plus possible après que Ryanair aura basé ses avions à Beauvais.
2. Ryanair, un modèle limite concernant les réglementations économique et environnementale
Comment laisser Ryanair dévorer la concurrence, notamment française, grâce à un modèle économique non vertueux ?
La Cour des Compte a considéré, en 2017, que tant les remises commerciales accordées à Ryanair à l’aéroport de Beauvais-Tillé, que la gratuité des services ou le remboursement de taxes ne sont pas compatibles avec les réglementations françaises et européennes et ne respectent pas le principe d’égalité des usagers des services publics.
La poursuite d’une activité sur cette base à Beauvais risque de mettre en péril l’activité de l’aéroport dont une partie des services font l’objet d’une vente à perte et dont les résultats ne permettent pas d’engranger les revenus suffisants pour répondre à ses obligations aux termes du contrat de délégation de service public concernant le gros entretien des installations aéroportuaires.
Le remboursement par la SAGEB à Ryanair de la TNSA, taxe sur les nuisances sonores aériennes, est d’autant plus choquant que la taxe est fondée sur le principe « pollueur-payeur » établi par l’article L110-1-I-3°du Code de l’environnement :
« Le principe pollueur-payeur, selon lequel les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur »
Ce faisant, la SAGEB et Ryanair sont en infraction avec le Code de l’environnement
Discussion
Le 30 août 2019, la CCE (Commission Consultative de l’environnement) de l’aéroport de Beauvais-Tillé se tenait à la préfecture de l’Oise (Beauvais).
L’unique objet de la discussion était l’établissement d’une base Ryanair à Beauvais ; la clé pour ouvrir les portes de la base à Ryanair était la possibilité de déroger au couvre-feu, un projet d’arrêté ministériel était proposé.
Lors du discours appuyé du préfet, en ouverture de la séance, dans lequel il louait les vertus de Ryanair, la félicitait de choisir Beauvais pour établir une base et la remerciait encore de ce choix, le préfet a mis la pression sur les membres de la CCE, notamment sur les élus, pour qu’ils valident le projet d’arrêté proposé. Sur quelle base fondait-il son opinion ? Sur quel rapport d’impact environnemental ? Il n’y en a pas eu et si une notice environnementale a été rédigée, elle n’a pas été rendue publique, les conditions de son établissement non plus et elle n’a donc pas pu être commentée.
La discussion fut animée sur le projet de base Ryanair mais sur le projet d’arrêté, point de discussion. Pourtant il était bien différent du projet qui nous avait été présenté et dont nous discutions avec l’aéroport depuis le mois de novembre 2018.
Nous sommes aujourd’hui à la veille d’un bouleversement dans les conditions d’exploitation de l’aéroport. Nous allons perdre 3 heures de sommeil et subir un accroissement considérable de l’activité aéroportuaire au bénéfice d’une compagnie sans éthique, sans fidélité ni loyauté et dont le modèle économique repose sur des conditions financières exorbitantes de la pratique habituelle et pouvant mettre en péril l’équilibre économique de l’aéroport.
Les termes du projet d’arrêté lui-même appellent des observations de notre part (i) ainsi que ses conséquences sur le plan environnemental et social (ii) pour les riverains. Nous souhaitons également revenir sur les motivations économiques (iii) et l’impact du développement de Ryanair à Beauvais (iv).
3. Le projet d’arrêté
L’absence de précision du projet d’arrêté est très inquiétante. Il ne contient aucune des demandes des riverains et pire, il ne reprend même pas les engagements que l’exploitant de l’aéroport avait proposés en début d’année 2019. Ce projet d’arrêté n’a pas fait l’objet de discussion lors de la CCE du 30 Août, nous avons juste pu exposer (très rapidement, pressés par le Préfet qui voulait clôturer la réunion rapidement) nos craintes sur le projet d’arrêté mais il n’était pas question de revenir sur son contenu.
La seule modification acceptée par le Préfet était celle proposée par Monsieur François Rubichon, Président du Conseil de Surveillance de la SAGEB – exploitant de l’aéroport, non membre de la CCE, qui aurait, d’après les élus, permis d’emporter leur vote positif, et qui précise que « les stipulations de l’arrêté de 2002 non modifiées par le projet restent applicables ». Cette modification fut présentée comme déterminante … Monsieur de La Palice n’aurait pas mieux rédigé pour n’apporter aucune nouveauté !
Demandes des riverains v/ projet d’arrêté :
Demande des riverains | Proposition de l’aéroport | Projet d’arrêté |
Limiter l’exploitation pendant une période de 8 heures consécutives, la nuit : il s’agit donc d’une extension du couvre-feu actuel qui ne couvre que la période de minuit à 5 heures, soit seulement 5 heures de repos. | Des dérogations au couvre-feu de minuit à 1h | Le projet prévoit que l’arrivée tardive peut avoir lieu à toute heure de la nuit et il n’y a aucune limite sur le nombre de dérogations. |
Un avion ayant dû atterrir pour des raison de mauvais temps sur un autre aéroport pourrait être rapatrié à Beauvais soit à l’occasion d’une dérogation soit à partir de 5h le matin | ||
Puisque des avions seront basés, ils pourraient partir dès la fin du couvre-feu, à 5h, ou réaliser des essais moteurs à partir de 5h – Nous rappelons que l’aéroport est enchâssé dans la commune de Tillé et bordé d’habitations, certaines construites grâce à des permis de construire consentis aux promoteurs quelques jours seulement avant que les terrains deviennent inconstructibles par la signature de l’arrêté préfectoral instaurant le dernier plan d’exposition au bruit. | ||
Les riverains refusent toutes dérogations autres que celles déjà prévues à l’arrêté de 2002 instaurant le couvre-feu. | Des dérogations exceptionnelles bénéficiant uniquement aux avions basés | Aucune exigence d’exceptionnel dans le projet d’arrêté. Une simple référence au « cas par cas » .
La proposition de l’ACNUSA prévoit la possibilité de prévoir un nombre maximum de dérogation par an. Une telle disposition deviendrait vite un « droit à dérogation » jusqu’à ce chiffre maximum, un quota de dérogations. L’exceptionnel est par définition un chiffre extrêmement petit, en relation avec le trafic global de l’aéroport. Si Orly n’a que 2 ou 3 dérogations par an, il ne peut y en avoir plus à Beauvais. |
Interdire les avions les plus bruyants, jour et nuit, pour ne permettre qu’aux avions les plus modernes d’utiliser l’aéroport (chapitres 4 et 14 volume I de l’annexe 16 de la convention OACI et chapitre 3 avec une marge de 13 EPNDB) | Les avions basés seraient les plus récents de la flotte de Ryanair (à l’époque il s’agissait des B737 Max).
A titre général, les avions les plus bruyants seraient bannis de l’aéroport. |
Le projet limite l’exigence d’une limite de bruit aux avions retardataires demandant une dérogation. La limite est exprimée en marge de bruit par rapport au chapitre 3, volume I de l’annexe 16 de la convention de l’OACI alors que la mesure ne vise que les avions de la flotte Ryanair certifiés à l’approche avec un niveau d’un peu inférieur à 97 EPNDB
|
Il n’y aurait que 3 avions basés | Proposition non reprise | |
Aucun avion ne serait programmé après 23h et aucun avion ne serait programmé avant 6h30 | Proposition non reprise | |
Les dérogations ne concerneraient que les avions basés | Le projet d’arrêté manque de clarté, les dérogations pourraient concerner des avions ayant accumulé plus de 3 heures de retard | |
Les dérogations concerneraient des avions transportant des passagers et non les vols « à vide » | L’exigence d’avions « effectuant des vols réguliers de transport de passager » n’exclut pas que l’avion arrive à vide. | |
Le projet ne prévoit aucune modalité, cause, délai, procédure, pour la prise de décision de dérogation, ni la forme de cette dérogation ou le signataire | ||
Aucun contrôle de la réalité de la raison invoquée pour bénéficier d’une dérogation n’est prévu ni expliqué | ||
Les riverains demandent un plafonnement du nombre de mouvements pour être assurés d’une limite aux nuisances qu’ils doivent endurer | L’aéroport exige ce régime de dérogations pour pouvoir accroître le volume de son activité de 2 millions de passagers dans un premier temps puis au-delà après travaux à l’aéroport. La croissance devient sans limite pour un aéroport présenté comme desservant principalement Paris et la région parisienne |
4. Un bouleversement dans les conditions d’exploitation de l’aéroport
4.1 Quelle est la situation aujourd’hui ? Des mouvements d’avions de 8 heures à 22h30 (au plus tard minuit)
L’aéroport est soumis à un couvre-feu de minuit à 5 heures. En théorie donc, les avions peuvent atterrir ou décoller jusqu’à minuit et ils peuvent atterrir et décoller dès 5 heures. L’aéroport est fermé la nuit.
En pratique cependant, le dernier départ est prévu vers 22h30 , en raison de retards accumulés dans la journée il arrive que ce départ soit en bordure de couvre-feu, aux alentours de minuit. Il n’y a pas eu, ces dernières années, d’infraction au couvre-feu.
Le matin, la première arrivée en ce moment est vers 8h15 avec un premier départ vers 8h40.
Les passagers de l’aéroport viennent pour la majorité de Paris et la plupart prennent l’autocar mis en place par l’aéroport. Beaucoup arrivent au point de départ de l’autocar par les transports en commun et notamment le métro qui n’ouvre qu’à 5h30. En pratique donc, avec les temps de transport jusqu’à l’aéroport (1h) et les besoins de dépose de bagages et des vérifications de sécurité un avion peut difficilement partir à 5h le matin.
4.2 La base Ryanair
- Ryanair souhaite avoir quelques avions basés à Beauvais, ils envisagent de commencer au quatrième trimestre 2020 avec 3 avions basés.
- Une base, ce sont quelques avions, aujourd’hui probablement 3, qui resteraient à Beauvais toute la nuit. Dans la configuration actuelle de l’aéroport, il pourrait y en avoir jusqu’à 12. L’augmentation du nombre d’avions basés ne nécessitera aucune formalité particulière quand bien même l’exploitation entrainera, pour chaque avion basé supplémentaire, une modification substantielle de l’exploitation de l’aéroport et un nouveau bouleversement du cadre de vie et des nuisances devant être endurées par les riverains.
- Ces avions qui passeraient la nuit à Beauvais arriveraient donc sur leur dernier segment de la journée. Un avion Ryanair ou Wizzair fait jusqu’à 8 rotations par jour. Les avions basés seraient donc à la fin de leur journée lorsqu’ils atterriront à Beauvais. Il est prévu qu’ils soient programmés pour atterrir à 23h mais aucune réglementation ne limite la programmation pour le futur. C’est l’exploitant de l’aéroport qui décide seul d’accorder les créneaux. Les retards accumulés dans la journée se feront sentir lourdement pour les riverains, les arrivées s’étalant alors jusqu’à minuit.
- Les avions bénéficieraient d’une maintenance pendant la nuit pour être prêts à repartir le lendemain matin, des essais moteurs pourraient être réalisés dès la fin du couvre-feu, mais aucune réglementation ne limite les essais pendant le couvre-feu.
- Ce seraient les premiers avions à partir le matin. Le couvre-feu s’achève à 5h. En théorie ils pourraient repartir dès 5h. Une difficulté d’acheminement des passagers semble limiter l’exploitation entre 5h et 6h30 mais elle est envisageable dans l’avenir. Les autres aéroports ayant des couvre-feux bénéficient de période de repos plus longues que les 5 heures de Beauvais-Tillé. L’OMS préconise 8 heures de repos la nuit, le couvre-feu de Beauvais doit être allongé.
4.3 Qu’est-ce ce qu’une base impliquerait comme modifications ? 3 heures de calme en moins pour les riverains
- Des arrivées tardives : l’aéroport propose de fixer à 23h l’heure d’arrivée la plus tardive des avions. Cependant, les retards accumulés ne permettront pas toujours d’arriver avant minuit à l’aéroport. Aujourd’hui, en cas d’arrivée après minuit, l’avion est détourné vers un autre aéroport ouvert toute la nuit, ce qui reste exceptionnel. Une infraction au couvre-feu serait sanctionnée d’une amende pouvant aller jusqu’à 40.000€. Le couvre-feu est donc un frein pour que les compagnies basent des avions à Beauvais.
- Nos élus, notamment ceux siégeant au SMABT, Madame Caroline Cayeux en étant la présidente, nous ont toujours assurés qu’ils n’accepteraient pas de suppression du couvre-feu. Ils sont prêts aujourd’hui à accepter que les arrivées des avions puissent se faire après minuit, pendant toute la période du couvre-feu, sans pénalité.
- On nous dit qu’il ne s’agirait que de retards ponctuels, exceptionnels, mais sans aucune indication de ce que « ponctuel » ou « exceptionnel » signifie. D’expérience, à Frankfort, notamment, où Ryanair dispose d’une base dans un aéroport avec un couvre-feu nocturne, cette compagnie est extrêmement souvent en retard. Elle a enfreint le couvre-feu 156 fois en 2017, 327 fois en 2018, et 147 fois depuis le début de l’année 2019, pour 10 avions basés. Une compagnie similaire, Volotea, qui soumet également ses avions a un grand nombre de rotations enfreint régulièrement les restrictions de nuit à l’aéroport de Strasbourg. L’expérience démontre qu’un couvre-feu sans sanction n’est pas un couvre-feu. L’expérience est la même à Rome-Ciampino où Ryanair a des avions basés, un représentant de l’aviation civile italienne m’a confirmé que cette compagnie est régulièrement en retard et ne respecte pas le couvre-feu (qui n’est pas sanctionné par des pénalités).
- Faut-il encore rappeler que l’aéroport est enchâssé dans la commune de Tillé, encerclé d’habitations, dont certaines d’ailleurs très récentes. Des arrivées tardives d’avions ce sont aussi des véhicules et autocars qui circulent plus tard et des piétons dans Tillé qui traînent leurs valises jusqu’à leur parking, notamment pour ceux qui utilisent les parkings privés en ville.
- L’aéroport proposait d’étendre le couvre-feu le matin de 5h à 6h, cette proposition n’a pas été reprise dans le projet d’arrêté. Les riverains perdrons en calme puisqu’aujourd’hui les avions n’atterrissent pas ni ne décollent respectivement avant 8h et 8h30… Des avions basés à Beauvais c’est l’assurance de départs à la première heure possible pour permettre les 8 rotations de l’avion pendant la journée. En pratique nous perdrions donc une à deux heures de calme le matin. A nouveau, il faudrait aussi compter le trafic routier et les piétons dans la ville de Tillé roulant leurs valises
- L’entretien des avions la nuit est une activité qui peut être bruyante lors des essais moteurs, réalisés le matin probablement de très bonne heure afin que les avions soient prêts pour le départ. Il ne faut négliger non plus le bip de recul des véhicules pour les riverains les plus proches de l’aéroport. Il n’est pas prévu de couvre-feu en deux parties (i) essais moteurs et (ii) décollages-atterrissages. A Tillé, ce serait une perte de 3 heures de calme.
- L’aéroport proposait aussi une interdiction des avions les plus bruyants. Cette proposition n’est pas reprise dans le projet d’arrêté. Aujourd’hui l’aéroport peut accueillir des avions très anciens et très bruyants. En pratique il est très rare qu’un tel avion utilise l’aéroport mais la situation pourrait évoluer si une activité cargo se développait ou si les aéroports voisins interdisaient les avions les plus bruyants, ils pourraient être tentés, alors, d’atterrir à Beauvais, aéroport plus laxiste sur les normes environnementales des avions.
- Le projet ne comporte aucune proposition sur les plafonnement du nombre de mouvements de l’aéroport qui est demandé par les riverains et certains élus alors que depuis des années nos élus et les représentants de l’aéroport nous assurent de l’existence d’un « plafond naturel ».
4.4 Plus de bruit la nuit et un accroissement significatif de l’activité dans les prochaines 4 années et plus si affinité…
L’incidence évidente pour les riverains est une perte considérable de qualité de vie et une augmentation des nuisances de jour comme de nuit.
L’ambition est d’augmenter le nombre de passagers de plus de 150% d’ici 4 ans, passer donc de moins de 4 millions (3,39 chiffre 2018) à 6 millions de passagers. Pour l’aéroport de Beauvais, l’augmentation corrélative du nombre de mouvements serait très importante, avec un emport moyen de 165 passagers, on arriverait à 36.400 mouvements par an contre moins de 23.000 en 2018.
Nous avons pu, en outre, constater que l’aéroport était optimiste puisqu’ils envisagent déjà des travaux dans le cas où le chiffre de 6 millions de passagers serait dépassé.
Lorsque l’exploitant de l’aéroport nous dit que ce nouveau mode d’exploitation permettra un lissage du trafic sur la journée, il signifie en réalité qu’il pourra utiliser la piste au plus près du couvre-feu et il ne s’agit pas d’un lissage mais de l’exploitation de nouveaux horaires.
Les études le démontrent depuis de nombreuses années, et dernièrement encore les dernières lignes directrices de l’OMS (Octobre 2018) le confirmaient, le bruit a un impact avéré sur la santé et notamment provoque et aggrave les maladies cardio-vasculaires. Les recommandations de l’OMS sont de limiter le bruit à 45 Lden et 40 Lnight. La répétition des émergences de bruit provoquent ces altérations de la santé. Aux alentours de l’aéroport de Beauvais, le bruit de fond est très faible en général. L’émergence d’un bruit d’avion est donc extrêmement sensible. Augmenter le nombre d’occurrences ne sera pas sans incidence sur les riverains.
Certains des villages ont laissé se construire des zones pavillonnaires ou de petits immeubles collectifs dans les zones de bruit avec la complicité de la préfecture qui avait reporté la signature du dernier plan d’exposition au bruit (2012) à quelques jours après l’obtention par les promoteurs de leurs permis de construire. Ces constructions sont en zone C du PEB, notamment le long de la piste de l’aéroclub à quelques mètres du deuxième terminal de l’aéroport. Bruit des inverseurs de poussée, bruit des run up, décollages, bientôt bruit des alarmes de recul des véhicules de maintenance la nuit, bruit des valises sur la chaussée et des voyageurs qui parlent comme en plein jour alors que c’est la pleine nuit… et odeurs de kérozène jusqu’à la nausée, pour ces nouveaux habitants comme pour les anciens.
4.5 Une pollution de l’air accrue
La qualité de l’air ambiant de la région n’est pas fantastique, de nombreuses alertes et dépassements de seuils, certes non lié à l’aérien, dans tout le département. Mais pour les communes survolées à basse altitude, vont s’ajouter les émissions polluantes des avions. En fonction des vents, elles vont se répartir sur le territoire. Les dépôts de suies sont déjà importants sur les habitations et les plantes mais ce n’est rien par rapport aux particules ultra-fines et ultra-dangereuses.
A nouveau, la pollution de l’air a un impact sur la santé et l’augmentation de l’activité permise par les dérogations au couvre-feu et l’ouverture d’une base Ryanair aggravera cette pollution.
En terme d’impact sur la santé, les riverains d’aéroports utilisent souvent ce rapprochement :
kérozène=gazole donc avion=diesel
4.6 Les gaz à effet de serre
Aujourd’hui, l’impact de l’activité humaine sur le dérèglement climatique est reconnu et l’on cherche à lutter contre le réchauffement planétaire, la France s’est engagée en signant l’accord de Paris, à agir pour enrayer notre impact sur le climat, et le Haut Conseil pour le Climat dans son rapport de juin 2019 enjoint le gouvernement « d’agir en cohérence avec les ambitions » et lui reproche de ne pas atteindre ses objectifs car les moyens mis en œuvre sont insuffisants.
Nos ministres parlent d’urgence climatique et notre président de l’absence de planète B. Comment peut-on alors laisser se développer des activités émettant autant de gaz à effet de serre que l’aviation. Les émissions de dioxydes de carbone sont la face publique des GES de l’aviation. Il faut lui ajouter les autres GES (hors CO2) qu’elle émet et son impact sur la planète est au minimum doublé.
Il ne faut pas se dire que d’autres activités sont plus polluantes ou que les autres doivent faire des efforts les premiers. Non, c’est ici et maintenant que des efforts doivent être fait. Ici à l’aéroport de Beauvais-Tillé et maintenant en ne permettant pas à une société comme Ryanair d’aspirer les deniers publics comme elle le fait depuis maintenant une vingtaine d’années. En 2018 Ryanair était le 10ème plus gros émetteur de CO2 en Europe au même plan que les centrales à charbon et elle sera vite rattrapée par d’autres compagnies aériennes qui la talonnent !
4.7 Une régression environnementale et une défaillance des élus et du gouvernement à protéger les riverains de l’aéroport
L’article L.110-2 du Code de l’environnement, tiré de la Charte de l’Environnement, établi le droit de chacun à un environnement sain et l’obligation de chacun, y compris les personnes publiques, et donc nos élus et nos ministres des transports et de l’environnement, de contribuer à la protection de l’environnement, y compris nocturne.
En signant un arrêté qui
- permettra à des avions d’atterrir, la nuit, dans des conditions indéterminées, dépendant de la seule volonté de l’administration et sur la base de ses seuls critères qui n’ont pas été exposés, mais surtout
- un arrêté dont le seul but est de permettre à Ryanair de baser des avions à l’aéroport de Beauvais et
- d’accroitre l’activité de Ryanair à l’aéroport de 150% dans les 4 ans à venir, et probablement plus encore dans les années qui suivront
- et notamment entraînera un accroissement considérable de l’activité de nuit dans la tranche de 22h à 23h59 et dans la tranche 5h-8h dès que les transports terrestres pour l’acheminement des passagers le permettront,
la Ministre de l’Environnement et le Secrétaire d’Etat aux Transports ne contribueraient pas à la protection de l’environnement. Ils seraient responsables, comme les élus de la communauté d’agglomération du Beauvaisis, du département de l’Oise et de la Région des Hauts-de-France, de la pollution sonore accrue pour les riverains de l’aéroport et de la détérioration de la qualité de l’air dans le Beauvaisis.
En outre, ils ne mettraient pas en œuvre tous les moyens requis du gouvernement français pour parvenir aux objectifs définis par l’Accord de Paris sur le Climat et qui semblent être dans toutes les paroles mais beaucoup moins dans les actes.
Enfin, ce faisant, la Ministre de l’Environnement et le Secrétaire d’Etat aux Transports enfreindraient le principe de non régression environnementale imposé par l’article L.110-1-9° du Code de l’Environnement :
« selon lequel la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. »
Le projet d’arrêté proposé dans le cadre de la consultation publique, même modifié pour intégrer les propositions de l’ACNUSA (Autorité de Contrôle des Nuisances Aéroportuaires), ne pourrait qu’aggraver la situation des riverains de l’aéroport de Beauvais-Tillé. La mesure va également à rebours de l’évolution sur les autres plateformes aéroportuaires où la tendance est plutôt à limiter les vols de nuit. A Beauvais, la nuit ne durera que 5 heures, et encore, seulement les nuits où il n’y aura pas de dérogations accordées à Ryanair. C’est un peu court, les riverains veulent eux aussi vivre dans un environnement leur permettant de rester en bonne santé. Cela ne sera plus possible après que Ryanair aura basé ses avions à Beauvais.
5. Motivations économiques
Comme toujours la raison principale justifiant l’aggravation des conditions de vie des riverains de l’aéroport est économique, création de richesse et nouveaux emplois. Avec un opérateur aérien détenant 85% de l’activité, nos élus sont pieds et poings liés ils ont trop peur que Ryanair quitte Beauvais pour d’autres cieux…
5.1 Ryanair peut-elle partir de Beauvais ?
Il nous a été expliqué que l’évolution de l’aéroport était rendue nécessaire pour s’assurer que Ryanair resterait à Beauvais et pour permettre une reprise de l’activité. Nous n’avons pas d’information sur les « promesses » de Ryanair.
Pourquoi Ryanair partirait-elle aujourd’hui ? Elle a besoin d’un aéroport desservant Paris, une destination très attractive pour ses clients. Aujourd’hui, seul Beauvais-Tillé répond à ses exigences. Pas trop loin de Paris, des temps de roulage sur la piste très courts, des escales réduites à 20/30 minutes, des redevances et taxes très faibles (remboursées par l’aéroport) et même des ristournes et exonérations.
Nous constatons cependant que Ryanair cherche à se reporter sur les aéroports principaux, Barcelone, Frankfort, etc… A Paris, ni Orly ni Charles de Gaulle ne sont prêts à l’accueillir à des horaires convenables. Les créneaux horaires que Ryanair a pu obtenir à Paris ne convenaient pas, elle y a renoncé.
La construction du terminal 4 à CDG pourrait peut-être changer la donne et Ryanair pourrait alors quitter Beauvais pour Paris. Mais à Paris, elle ne pourrait pas non plus arriver après minuit. L’aéroport d’Orly bénéficie d’un couvre-feu de 23h30 à 6h, donc plus long qu’à Beauvais, et à Charles-de-Gaulle, les vols de nuit sont plafonnés. Les créneaux ont été attribués et figés de sorte la compagnie n’aurait pas le droit de revenir après minuit sans pénalité.
5.2 Les efforts demandés changeront-ils le futur ?
Ryanair a démontré jusqu’à présent qu’elle n’avait pas de relation stable/fidèle avec un aéroport. Quels que soient les efforts déployés par celui-ci. Si elle obtient les créneaux souhaités à Paris, elle partira. Le fait qu’on l’ai autorisée à baser des avions à Beauvais n’y changera rien. Ni les investissements complémentaires qui pourraient être réalisés à l’aéroport.
C’est une compagnie sans loyauté ni fidélité. Aujourd’hui elle ferme au moins 4 bases en Espagne et licencie plus de 510 personnes. L’exemple de Barcelone est frappant, les collectivités locales avaient fait des efforts financiers énormes à Gérone pour accueillir Ryanair mais dès que celle-ci a pu transférer une part significative de son activité à El Prat, elle l’a fait en un rien de temps. Depuis, Ryanair a basé des avions à El Prat, l’aéroport principal de la ville et la compagnie a quitté totalement et définitivement sa base arrière. Barcelone et Paris sont deux des aéroports essentiels de Ryanair, leur situation est comparable. Un aéroport principal proche du centre-ville bien desservi par les transports en commun et un aéroport à plus d’une heure de route qui a fait des efforts et des investissements considérables pour accueillir Ryanair. Gérone ce pourrait être Beauvais-Tillé dans quelques années lorsque CDG aura construit le terminal 4. Tous les efforts consentis ici pourront ne pas pérenniser la situation. Dans ce cas pourquoi accepter cette base ? l’activité pouvait se poursuivre et même croître sans la base, de manière plus modeste peut-être mais suffisante pour l’agglomération de Beauvais.
C’est d’ailleurs ce qui a été confirmé par le représentant de Ryanair à la dernière Commission Consultative de l’Environnement de l’aéroport du 30 août. Il a bien exprimé le souhait de Ryanair de se rapprocher de Paris mais que les conditions financières n’étaient pas encore satisfaisantes ni les créneaux obtenus et que la compagnie continuerait à se développer à Beauvais même en l’absence d’une base.
5.3 Sacrifier les riverains sera-t-il rentable pour la communauté ?
La maintenance des avions
La presse nous avait annoncé le recrutement de techniciens pour assurer la maintenance des avions la nuit. Il s’agit de techniciens spécialistes des avions Boeing B737-800, une technicité qui ne pouvait être trouvée à proximité de Beauvais….Contrairement à ce qui était annoncé, ce ne sont donc pas des emplois créés dans notre région mais des personnes venant de Belgique qui assureront cette maintenance.
La création d’emplois locaux et le développement économique de la région
Il est certain que l’activité étirera les horaires d’ouverture le matin et la nuit. En outre, les équipages logés sur place permettront quelques recrutements probablement, et nous sommes conscients combien ils sont précieux dans le Beauvaisis. Mais on nous promet une centaine d’emplois créés dans le Beauvaisis consistant en un certain nombre d’équipages pour les avions basés. Pourquoi ? sont-ils recrutés ici ? non, il s’agit de personnes travaillant déjà pour Ryanair qui seront logées dans notre région. L’impact sera donc beaucoup moins important qu’annoncé. Il n’est nullement certain qu’il s’agisse de familles et si c’est le cas et que les familles sont déplacées pour habiter notre région, le second membre du couple viendra augmenter la population active sans emploi ou en recherche d’emploi de la région, en concurrence avec des beauvaisiens eux-mêmes déjà en recherche d’emplois. Rappelons que les rémunérations des équipages Ryanair sont parmi les plus basses de la profession. Low-cost pour les passagers mais également low-cost pour les employés et leurs conditions de travail.
Les emplois induits ? catalytiques ? Ryanair fait une concurrence très importante aux autres compagnies aériennes et notamment aux compagnies traditionnelles comme Air France qui dessert aussi la capitale. Si des emplois sont créés, ce ne sera pas dans notre région. Il est d’ailleurs reconnu que l’impact régional sur le tourisme et la consommation dans notre région par les passagers de l’aéroport de Beauvais-Tillé est minime, quasiment inexistant, moins de 3€ par passager, c’est peu. Ce sont d’ailleurs des passagers à faible valeur ajoutée, il est reconnu que les passagers des vols low-cost consomment beaucoup moins que les passagers des compagnies traditionnelles.
Si en plus Ryanair développe une activité de hub, de nombreux nouveaux passagers seront en transit, ils ne consommeront rien en dehors de l’aéroport, il n’y créeront pas de richesse, ils ne créeront pas d’emplois indirects. L’impact sera donc très faible, beaucoup d’efforts pour très peu de résultats.
Des investissements non amortis
La « volatilité » de Ryanair est un risque sur la tête de nos élus et de notre communauté fiscale. Si le départ de Ryanair n’est pas certain, au moins un transfert d’activité est envisageable à terme. Il ne faut pas que le financement de cet aéroport soit une course en avant dont on n’arrive plus à s’échapper. L’aéroport a eu du mal à développer le marché, nous sommes contraints par deux compagnies, si Ryanair partait, tous ces investissements auraient-ils été fait en vain ?
5.4 Les conséquences sur le plan social
Les conséquences économiques ne peuvent exclure les externalités négatives. L’impact sur les communes les plus exposées aux pollutions sonores et de l’air est évident. Maisons invendables. L’immobilier à Beauvais est sinistré mais il l’est encore plus dans les communes situées dans le plan d’exposition au bruit (« PEB »).
Il y a 20 ans, nos communes subissaient peu de nuisances et les plus éloignées de l’aéroport ne connaissaient pas le bruit des avions. Elles sont aujourd’hui intégrées dans le PEB de l’aéroport de Beauvais-Tillé. Les avions rejoignant l’aéroport volent à basse altitude pour passer sous le trafic de CDG et du Bourget. Ils sont donc entendus à grande distance de l’aéroport, notre association reçoit des mails de plaintes régulièrement, la dernière d’un habitant à 80 km de l’aéroport, près de Villers-Cotterêts.
Nous ne voyons pas d’impact positif de l’aéroport dans nos communes. L’étude d’impact économique impute à l’aéroport l’attractivité de Beauvais mais elle oublie de mentionner la proximité de la région parisienne. Si la logistique et le transport routier se sont tant développés dans la région alors qu’il n’y a pas de cargo à Beauvais, c’est bien pour desservir la région parisienne. L’aéroport n’y est pour rien.
En revanche il est connu que les communes affectées notamment par le bruit se paupérisent avec le temps. Nos communes ne vont pas y échapper. Les promesses faites à certains maires de construire des hôtels ou des terrains de golf sur leur territoire sont depuis longtemps oubliées mais qui viendrait dans ces communes désormais sinistrées ou condamnées à l’être ?
6. Impact du développement de Ryanair à Beauvais
L’équilibre d’un aéroport dépend d’une seule entreprise dont on sait qu’elle n’est ni fidèle ni loyale et peut d’un jour à l’autre préférer un autre aéroport. A terme, peut être Paris-CDG plutôt que Paris-Beauvais.
6.1 Une entreprise dont le modèle économique est basé sur la perception de subventions directes ou déguisées
A deux reprises la chambre régionale de la cour des comptes s’est penchée sur la situation de l’aéroport de Beauvais, en 2008 et en 2016. A chaque fois, la conclusion était la même. La compagnie Ryanair, principalement, bénéficie de conditions commerciales exorbitantes des pratiques habituelles sur les plateformes aéroportuaires qui se traduisent par des aides et subventions déguisées résultant en des manques à gagner de plusieurs dizaines de millions d’euros, plusieurs centaines de millions d’euros depuis l’installation de Ryanair à Beauvais.
Rien que sur la période de 2008 à 2014, Ryanair n’aurait payé que 27,55% des montants qui lui étaient facturés par l’exploitant de l’aéroport, la SAGEB. Ce sont 35 millions d’euros de remises qui lui ont été accordées.
La compagnie bénéficie en outre de la gratuité de l’assistance en escale, le manque à gagner en résultant est évalué à plus de 73 millions d’euros sur la même période de 2008 à 2014. La vente à perte des prestations d’assistance en escale n’est pas conforme à la réglementation française.
Jusqu’à la TNSA, taxe sur les nuisances sonores aériennes, finançant le fonds d’aide aux riverains pour l’insonorisation de leurs logements ou l’insonorisations des écoles et autres établissements, qui est remboursée à Ryanair. Pourtant cette taxe est fondée sur le principe « pollueur-payeur » qui n’est pas non plus respecté en l’occurrence.
La cour des comptes conclut que tant les remises commerciales accordées que la gratuité des services ou le remboursement de taxes ne sont pas compatibles avec les réglementations française et européenne et qu’elles ne respectent pas le principe d’égalité des usagers des services publics. La SAGEB ne pouvait en outre justifier ces remises et gratuité par un comportement d’investisseur avisé en économie de marché.
Aujourd’hui, les accords commerciaux entre la SAGEB et Ryanair se poursuivent et la situation perdure malgré les remontrances de la cour des comptes. Cela se fait au su du SMABT qui se rend complice de la situation et qui pourtant subit également un important manque à gagner par la minoration de la redevance fixée au contrat de délégation de service public.
6.2 Un modèle économique qui peut mettre en difficulté l’aéroport
L’activité, si elle est exploitée à perte par la SAGEB pour ce qui concerne la compagnie Ryanair, est financée, insuffisamment, par le service public de transport terrestre entre Paris et l’aéroport de Beauvais-Tillé, concédé à la filiale de la SAGEB.
Sans concurrence sur ce secteur, malgré les attaques de quelques autocaristes, les prix pratiqués par l’exploitant sont calqués sur celui du transport en train. Les revenus de cette activité représentent près de 50% des revenus de l’ensemble, l’autre source importante de revenus étant la tarification des parkings de l’aéroport puis les concessions des emplacements commerciaux (restaurants, duty-free, locations de voitures…).
Sur le transport terrestre également planent des incertitudes tant que la SAGEB n’aura pas trouvé une solution de remplacement à la suite de la suppression en fin d’année 2019 du parking Pershing de la Porte Maillot où elle embarque les passagers dans ses autocars à destination de l’aéroport de Beauvais.
L’étude des comptes de la SAGEB, à moins de 3 ans du terme de la concession, montrent qu’il reste un grand nombre de gros travaux d’entretien et de remplacement, pour restituer les installations au concédant en fin de concession conformément aux stipulations du contrat (parfait état d’entretien). Il est moins que certain que les revenus de la SAGEB lui permettra d’effectuer ces travaux. Le concédant, SMABT, n’a pas encore fait d’audit des installations alors qu’il reste peu de temps pour que ces travaux soient réalisés.
En effet, le bénéfice déclaré pour 2018 est seulement de 119.495€ pour un chiffre d’affaire de 54.872.766€ soit 0,2% du chiffre d’affaire. Ce très faible bénéfice positif cache en réalité le report par la SAGEB d’une partie du programme de Gros Entretien, provisionné initialement à 7.430.000€ en cumulé depuis le début de la concession (2008) et réalisé à seulement 5.546.000€ à fin 2018, soit un retard de 2.721.000 € de travaux reporté pour manque de résultats financiers.
L’augmentation de l’amplitude des horaires d’ouverture de l’aéroport va accroître encore ce déficit pour la SAGEB qui devra assurer la maintenance des services de l’aéroport 24 heures sur 24 et 7j / 7 sans que les compagnies ne payent plus de recettes à l’aéroport.
Il est de pratique courante que certains concessionnaires ne réalisent pas les travaux requis pour qu’en fin de concession le contrat ne puisse être renouvelé qu’au profit de l’exploitant sortant. Il ne faudrait pas que ce soit le cas pour la SAGEB et le SMABT doit être très attentif.
Faire dépendre l’équilibre économique d’un aéroport d’une seule compagnie, et en plus si cette compagnie est Ryanair, est un exercice périlleux qui peut conduire à une situation financière difficile en fin de contrat notamment. Que se passerait-il si Ryanair décidait de quitter la plateforme de Beauvais ?
6.3 Un modèle social peut éthique
Ryanair est une compagnie connue pour imposer à ses employés des conditions de travail parmi les pires du marché. Nous ne souhaitons pas nous étendre sur ce point. Nous avons lu les ouvrages écrits par des employés et ne pouvons souscrire à l’éthique sociale de l’entreprise.
Elle évolue positivement cependant forcée par les décisions des cours et tribunaux mais sans enthousiasme de la part de la compagnie.
6.4 Une concurrence déloyale aux compagnies traditionnelles
Les remises et conditions commerciales accordées à Ryanair sont exorbitantes des conditions habituelles sur les plateformes aéroportuaires. Ce sont ces remises et gratuité qui permettent à Ryanair de vendre des billets d’avion à si bas prix. Nous avons vu un Barcelone-Beauvais à 9€ taxes incluses. Comment justifier des tels prix si ce n’est par les aides déguisées dont bénéficie la compagnie.
Ces pratiques sont dangereuses pour la profession. La guerre des prix est inégale notamment pour les compagnies françaises qui respectent la réglementation et dont les salariés bénéficient, eux, de conditions d’emploi plus favorables.
En 2018 nous avons participé aux assises du transport aérien dont l’objectif était le développement du pavillon français. Avec Ryanair, il nous semble que l’objectif ne peut être atteint tant la concurrence, déloyale car rendue possible uniquement par les aides et subventions déguisées mentionnées ci-dessus, est rude.
Des compagnies ont déposé leur bilan, Air France n’est pas au mieux de sa forme, on ne peut laisser prospérer des modèles économiques destructeurs du marché.
6.5 Ryanair, un modèle limite concernant les réglementations économique et environnementale
Comment laisser Ryanair dévorer la concurrence, notamment française, grâce à un modèle économique non vertueux ?
La Cour des Compte a considéré que tant les remises commerciales accordées à Ryanair, que la gratuité des services ou le remboursement de taxes ne sont pas compatibles avec les réglementations françaises et européennes et ne respectent pas le principe d’égalité des usagers des services publics.
La poursuite d’une activité sur cette base à Beauvais risque de mettre en péril l’activité de l’aéroport dont une partie des services font l’objet d’une vente à perte et dont les résultats ne permettent pas d’engranger les revenus suffisants pour répondre à ses obligations aux termes du contrat de délégation de service public concernant les gros travaux d’entretien des installations aéroportuaires.
Le remboursement par la SAGEB à Ryanair de la TNSA, taxe sur les nuisances sonores aériennes, est d’autant plus choquant que la taxe est fondée sur le principe « pollueur-payeur » établi par l’article L110-1-I-3°du Code de l’environnement :
« Le principe pollueur-payeur, selon lequel les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur »
Ce faisant, la SAGEB et Ryanair sont en infraction avec le Code de l’environnement
En conclusion, l’ADERA et les riverains qu’elle représente, s’opposent au projet d’arrêté modifiant le couvre-feu instauré par un arrêté ministériel de 2002. Les conséquences de la modification du couvre-feu qui est projetée dans l’unique but de permettre à Ryanair d’établir une base à l’aéroport de Beauvais-Tillé et d’accroître l’activité de l’aéroport de façon non maîtrisée, sans étude de l’impact environnemental et dont l’impact économique rapidement brossé par la SAGEB et le Préfet manque terriblement de précision, bouleverseront le cadre de vie et affecteront la santé des riverains de l’aéroport. Ce projet est contraire aux principes de droit français rappelés ci-dessus et doit être abandonné.
Fait à Milly-sur-Thérain, le 2 novembre 2019
Pour l’ADERA, sa présidente,
Dominique Lazarski